Au loin, juste là.

Je ne ressens plus. Je n’ai plus ces sentiments qui me transpercent, qui me chiffonnent, qui me déchirent. Qui me font vivre.

J’observe, de loin, la beauté du ciel, et j’aimerais pouvoir vous la décrire. Mais je ne prends plus le temps de trouver les mots. J’aimerais pouvoir en parler avec quelqu’un que cela touche aussi. Mais il y a bien une vidéo sur Youtube plus extraordinaire qu’un ciel de fin avril, même plein de nuages gris plomb et blancs plume. Alors j’avale, je bouffe des images, du divertissement pas cher. L’extraordinaire d’hier est devenu la norme, recalant le miracle de la vie à la désuétude. Le spectateur a trop de merveilles à regarder, il n’a plus besoin de participer.

Je lis les textes de Fabienne et je pleure ma sensibilité perdue. J’aimerais retrouver la force d’écrire des textes avec le sang de mes blessures. J’étais triste, mais jamais à côté de moi-même. Ma sensibilité sommeille au fond de moi et j’aime croire qu’elle va bientôt se réveiller, comme la glycine des Bastions ces jours-ci. Quel sera le déclencheur?

Peut-être le parfum de cette fille sucrée que j’aimerais plus que tout voir jouir sous mes caresses, peut-être l’écriture de ce long sanglot que je garde en moi depuis que j’ai lu la lettre.

J’ai trouvé sécurité, confiance, équilibre. Non, je les ai achetés plutôt, au prix d’un mouvement gayanofuge. Et maintenant ces fruits appétissants me laissent un arrière-goût de lâcheté. Vivre dans un stable confort est chose agréable, devenir soi-même ne l’est pas toujours. Et pourtant, quoi de plus essentiel?

Tout la sagesse acquise ces derniers mois n’était donc qu’un autre palier. Comme lorsque l’on gravit un éperon que l’on pense être le sommet. Je reprends le bâton de pèlerin, sur lequel j’ajoute une encoche à la suite de celles gravées à chaque étape où j’ai appris, et je me remets à marcher vers la lumière, vers ces moments de compréhension absolue où je verrai l’univers qui est en moi, dans une transparence célèste.

C’est fait, j’ai finalement pu vous décrire le beau ciel tourmenté que j’ai vu se mouvoir aujourd’hui juste devant moi. Quand on y pense, le ciel ressemble à la vie: on a les yeux rivés sur la forme qu’il peut avoir au loin, à en oublier qu’il commence juste devant soi.

14 avril 2008. Travaillé. 1 commentaire.

La navrante complainte de l’enfant gâté

Trop nombreux sont les jours où j’aurais besoin d’un shampooing-wc, comme appelait Tournier cette méthode qui consiste à mettre la tête dans la cuvette et à tirer la chasse d’eau (Le roi des Aulnes).

Je suis dur avec moi-même, je l’ai toujours été. Une exigence de qualité de vie, de relations, de performances professionnelles ou artistiques qui me pousse au néant. Combien de choses n’ai-je pas entreprises dans ma vie par réticence de ne les accomplir qu’imparfaitement?

Au pif, je dirais entre 2987345 et 2987364.

Il y a trop à faire, trop à entreprendre, trop à jouir, trop de gens à rencontrer, trop de filles à faire sourire, trop d’amis à soutenir, trop de chansons à écouter, trop de films à voir, trop de concepts à comprendre ou de causes à défendre. Je refuse l’unicité de la voie. J’emmerde les choix de vie. Manque de contraintes? Peur de l’erreur? Pas de passion? …inculper la bonne explication, encore un choix. Et merde.

Comment trouver l’impulsion? Je passe une moitié de ma vie à m’affranchir de toute contrainte, l’autre à me demander pourquoi il n’y a aucune force qui puisse me faire bouger de mon sofa.

Alors je reste dans mon appartement, et je regarde par la fenêtre les oiseaux qui tournent en rond dans le ciel. Je suis englué dans mon inaction, et à la première minute où je serai contraint par des obligations, je penserai à ces faux moments de liberté en soupirant comme un crétin: « Ah, si j’avais un peu de temps, je ferais… »

À croire que ma vie n’est mue que par un faisceau de contraintes. Mais essayez seulement de m’obliger, vous allez voir combien je sais me battre pour retrouver ma liberté.

12 avril 2008. Spontané. Laisser un commentaire.