Fixer la connaissance?

En toute logique, il me semblait normal de débuter cet annuaire de sagesse par l’enseignement le plus évident: cette démarche est vaine. Chercher des principes immuables selon lesquels agir dans toute situation – des commandements en quelque sorte – me semble être une erreur. Pourtant il me semble que les personnes qui refusent tout principe intangible sont rares. C’est sans doute une certaine sécurité que l’on recherche en meublant son existence de références absolues. Et la sécurité, faut pas déconner avec, parce c’est un sujet sensible. Tellement sensible que pour consolider son principe, on doit généralement convaincre son voisin que c’est bien le nôtre qui est le plus beau, le plus solide et le plus vrai des principes. Chaque contre-argument est une agression à laquelle il faut répondre avec force, parce que ça touche à ce que l’on est et à ce que l’on défend, mais surtout parce qu’il faut arracher rapidement la mauvaise herbe du doute avant qu’elle ne porte de fruits.

Ce n’est pas ainsi que je veux être. Je veux de la vérité, et je suis prêt à sacrifier la sécurité d’un dogme « répond-à-tout » pour ça. C’est un choix difficile, et il faut être courageux. Ce que je décris ci-dessus, c’est la voie trompeuse de l’universalité d’un principe, qui s’appliquerait à tout le monde. Il y a une autre dimension que celle de l’altérité ou de l’espace: celle du temps. En effet on voudrait pouvoir se référer toute sa vie à la même boussole. Fixer les enseignements acquis par l’expérience et compter sur eux pour savoir comment agir dans de nouvelles situations. L’expérience est utile, bien sûr, mais elle a cette limite: croire que l’on sait comment se comporter dans une situation et que l’on peut attendre exactement le même résultat, autrement dit se fermer au changement. Chaque situation est nouvelle, et porte sa part d’inconnu. Un sage chinois assez vieux et sûrement très barbu racontait que l’on apprend de ce que l’on ne sait pas, pas de ce que l’on connaît déjà. C’est très con dit comme ça et il faut généralement une parabole avec un sage qui découvre, en discutant avec un pêcheur un forgeron ou un réparateur de télés, qu’il est idiot, pour comprendre la signification de cette sagesse.

Chaque situation est nouvelle, et les possibilités sont infinies. Il n’existe aucune règle qui me permet de savoir comment agir dans toute situation. Ce qui existe, c’est la possibilité de s’interroger, d’examiner le problème sous différents angles, de tenter de débusquer ce qui est vraiment problématique, et ce qui provient de sa propre perception (par exemple la peur déforme souvent la réalité).

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